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- Haarlem n’est pas que le plus beau buffet du monde (in French)

Durant la première moitié du XVIIIe siècle, le chapitre de l’église principale de la riche ville marchande de Haarlem en Hollande commandait au facteur d’orgue Christian Müller la construction d’un nouvel orgue, sans qu’aucune contrainte financière ne vienne entraver les ambitions de cet heureux artisan. Du coup il produisit ce que l’art baroque avait de plus gigantesque et flamboyant, en édifiant un buffet monumental d’une trentaine de mètres de haut, avec d’immenses tourelles de pédales de 32 pieds. A l’intérieur, il plaça un matériau sonore de première qualité riche de 60 jeux disposés sur trois claviers manuels et pédalier.


Cet orgue connu une célébrité immédiate et de grands musiciens tels Haendel, Mozart, puis Liszt ou Brahms s’y produisirent. Depuis les années 60, cet orgue est le lieu d’un concours international d’improvisation et d’un festival d’été. Largement enregistré pour la radio ou des disques, cet orgue nous arrive ici en gloire, grâce à un enregistrement de tout premier ordre. Tout d’abord une prise de son confié au spécialiste Christoph Martin Frommen, d’un équilibre parfait, mettant à la fois en valeur le détail des jeux, comme dans la Sonate en trio de Bach, ou dans les grands ensembles, comme d’entrée de jeu l’éclatante pièce de Buxtehude. L’acoustique généreuse de la nef participe pleinement à la fête. Parlons du programme remarquablement construit : Les baroques occupent la moitié du récital, et Bach revient par deux fois terminant par une fulgurante fugue en ré majeur, ludique, rapide et enjolivée de gloses jubilatoires. Ensuite viennent les romantiques qui s’accommodent agréablement de la pâte sonore de cet instrument XVIIIe, à condition de bien choisir les œuvres, ce qui est le cas ici. Les modernes ont à leur disposition les couleurs adéquates : la pièce en trois volets de Flor Peeters, compositeur et chef de file de l’école d’orgue en Belgique au XXe siècle termine avec panache ce récital. Cela montre aussi le côté polyvalent de cet orgue qui sert un répertoire très vaste. La grande réussite de ce disque revient bien entendu à la performance de l’organiste américain Stephen Tharp, qui nous offre là un programme joué avec à la fois beaucoup de panache, mais aussi chargé d’une grande inspiration. Le toucher est excellent et bien maîtrisé pour ce genre d’orgue à transmission mécanique, c’est difficile vu les longueurs assez immenses des transmissions. Nous sommes heureux de constater que ces prises de conscience indispensables pour l’interprétation sont bien présentes dans l’école d’orgue américaine contemporaine. C’est le fruit de tout un mouvement en marche depuis plusieurs dizaines d’années maintenant.

En Amérique du nord (Canada et USA), de nombreux instruments mécaniques ont vu le jour, les organistes ont beaucoup étudié leur approche, différente des nombreux orgues à transmission électrique présents dans leurs pays. Les producteurs de disques américains s’intéressent aussi beaucoup à nos orgues européens. Merci à Joe Vitacco, directeur de JAV, pour la passionnante collection qu’il nous offre depuis quelques années. Nous parlerons bientôt d’un album contenant la reconstitution d’une messe d’orgue à l’époque de Louis Vierne et réalisée en l’église Saint-Sulpice à Paris. Pour l’heure voici l’un des plus beaux disques d’orgue de l’année 2009. Il est réjouissant, donne de la joie au cœur et s’écoute sans modération.

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